30- Les enfants de la route !

Ma route fut parsemée d'étapes vivrières. Quelques semblants de villages, aux baraques s'accrochant à la route telles une fibrose tenace. De temps à autres, des cabanes faisant office d'épicerie légère, recyclant les produits périmés de la capitale. Des tenanciers à l'énergie ponctuelle mais résiliente, et jamais loin, quelques enfants qui jouent d'un simple sourire et d'un chiot encore docile.

Il n'y a pas d'intemporalité, du moins, je ne le ressentais pas comme cela. L'humanité prend toujours le dessus sur tout autre sentiment quand le matérialisme se fait discret. On regarde les gens, on les observe comme ils nous observent, scrupuleusement mais sans regard qui en dirait trop long sur une condescendance qui n'a pas sa place ici.

Quand l'horizon est dégagé par des steppes galantes, l'endroit où l'on se trouve devient un îlot, une référence à laquelle on s'accroche et qui devient le centre du monde. Le passant devient quelqu'un d'important, et on l'acceuille, affable, pour qu'il puise un peu de fraîcheur réparatrice.

Il n'y aura aucune promesse, aucune attention vouée à la pérennité d'un lien quelconque. Ce que l'on recevra ne sera valable que le temps de cette rencontre, mais chaque mot, chaque regard et chaque geste sera plein et généreux. Ce qui serait une succession de détails pavée d'une couche d'intention éphémère dans le monde "occidental" sera ici autant de pépites dégagées de toute complaisance superflue.

Chaque kilomètre est ainsi gravé dans ma mémoire, et chaque rencontre toujours vivace. Je ne reverrai sûrement jamais ces enfants, mais ils ont été une étape apaisante et j'ai été une distraction pendant quelques minutes. Chacun a joué son rôle, sans artifice... et il n'y aucun regret à l'idée de ne plus les recroiser car le rendez-vous fut entier, il n'y a eu aucun déchet ni manque.